 
    
La page de Watch Around 
Par Jean-Philippe Arm
 Le  sigle de  trois  lettres désignant dans  toute activité commerciale  le service après-vente pourrait  bien devenir pour l’horlogerie suisse synonyme de  cauchemar. Pour l’instant il n’y a «  que  » péril en la  demeure,  sous  la  forme  d’une  bombe  à  retardement… La question est de savoir s’il est possible  de la désamorcer et comment. Dans tous les cas,  il vaut mieux s’en préoccuper sérieusement sans  attendre ses effets dévastateurs.
Le  sigle de  trois  lettres désignant dans  toute activité commerciale  le service après-vente pourrait  bien devenir pour l’horlogerie suisse synonyme de  cauchemar. Pour l’instant il n’y a «  que  » péril en la  demeure,  sous  la  forme  d’une  bombe  à  retardement… La question est de savoir s’il est possible  de la désamorcer et comment. Dans tous les cas,  il vaut mieux s’en préoccuper sérieusement sans  attendre ses effets dévastateurs.  
      On entend déjà la réaction  : vous plaisantez, l’horlogerie suisse ne s’est jamais si bien portée, pourquoi toujours parler d’orages quand le ciel est limpide, évoquer des menaces quand  tout va bien  ?  Pure maniaquerie de journaliste à l’esprit pervers,  évidemment, une fois de plus.  
      En  réalité,  le  constat  fort  simple est  fait par  tous  les professionnels qui ne jouent pas les autruches.  Certes,  l’horlogerie mécanique vole de succès en  succès, battant chaque année ses propres records  avec la régularité d’un chronomètre certifé COSC.  Mais  cette  exceptionnelle  croissance  aura  forcément  de  lourdes  conséquences,  potentiellement  catastrophiques, si elles ne sont pas gérées correctement.
La preuve par  les  chiffres. 
      Cet  avenir  ne  se  lit  pas dans  le marc de café, mais dans  les chiffres.  Le mauvais esprit, les intuitions et les états d’âme  n’ont rien à voir là-dedans, c’est mathématique. A  conditions égales de production, qu’il s’agisse de  voitures  ou  de  montres,  un  certain  pourcentage  des produits mis sur  le marché  revient nécessairement au garage ou chez  l’horloger bijoutier. La  comparaison  s’arrête  là  :  dans  le  premier  cas,  le  client  fait  régulièrement  les services attendus par  le fabricant, d’où une infrastructure adaptée et rodée  ;  dans  le  second,  la  démarche  est  rarement  spontanée et, au-delà d’un changement de pile ou  de bracelet, ce sont des perturbations fonctionnelles, la casse d’un organe moteur ou son usure rédhibitoire qui imposent le retour aux stands. Et tout  laisse à penser que  la capacité d’accueil n’a pas suivi la croissance de la production de moteurs, de plus en plus sophistiqués et  fragiles, et n’est pas proportionnée aux arrêts prévisibles. Les embou- teillages sont programmés,  les désillusions et  les colères aussi.
    « Le SAV, c’est le cancer de toutes les marques ! » François-Paul  Journe  a  la  formule  qui  tue.  Et  peut-être  l’antidote.  Ça  se  soigne  docteur  ?  « Ça peut se soigner si l’on n’est pas fou furieux. Voilà le problème. Vous avez un parc de montres vendues de deux millions de pièces. Il y en a 10 % qui tombent en panne dans l’année, parce qu’elles sont anciennes, doivent être révisées, ont un défaut ou sont maltraitées. Cela fait 200'000 par an. Si vous avez fait ces deux millions de pièces en vingt ans, cela signifie que vous en produisez 100'000 par an et que vous devez donc travailler deux fois plus pour la réparation que pour la production ! » CQFD.
Quel est dans ce contexte l’impact du volume de production et de la sophistication des produits ? Avec un mouvement automatique basique, du genre ETA 2892 ou l’un de ses avatars, dont tous les bugs ont été identifés et corrigés depuis des lustres, la fabilité doit alléger le poids du SAV. Dans le pire des cas, vous changez le mouvement et basta ! A l’inverse, les mouvements à complications portent doublement leur nom et sont par essence sujets à problèmes. Or, il se trouve que c’est bien dans cette catégorie-là que l’horlogerie suisse fait aujourd’hui son miel, avec pour corollaire un prix moyen des pièces exportées qui a pris l’ascenseur. Ce sont donc proportionnellement davantage de soucis à venir qui ont été exportés, avec un effet boomerang garanti.
Toutes les marques sont-elles concernées de la même façon ? « Avec des nuances, mais globalement elles sont toutes à la même enseigne et pas seulement les marques suisses, sourit François-Paul Journe. Prenez Lange&Söhne, qui font, disons, 6000 pièces par an. Au bout de dix ans, ils en ont 60'000 dans la nature, avec les mêmes problèmes que tout le monde. »
Et quand on en fait 850 par an comme notre interlocuteur ? « J’en ai maintenant 4500 sur le terrain, donc j’en ai 450 en SAV, mais je sais qu’après j’en aurai 600 puis 800… Et là je suis obligé d’anticiper, car j’arrive au bout de mes possibilités. Je dois trouver des locaux pour absorber cette croissance mathématique du SAV, qu’il faut considérer comme une entreprise en soi et gérer comme tel. »
Anticiper,  le maître mot. 
      N’y  a-t-il  pas  quelque chose à faire en amont  ? « L’idéal est de produire de telle sorte qu’il n’y ait pas de retours. Mais nous sommes dans une activité à forte composante humaine et  le meilleur horloger  travaille moins bien certains jours que d’autres. On met en place des contrôles supplémentaires, à  tous  les stades, de la fabrication des composants jusqu’à l’ultime réglage final. Mais il y a des limites. Ce qui est possible chez nous pour chaque grande sonnerie, qui passe un mois et demi de  tests, est  impensable dans la production en séries où les contrôles sont faits par sondage. »
Chez Breitling, on note une augmentation naturelle  du  parc  de  montres  dans  le  circuit,  auxquelles  s’ajoutent celles qui ressortent des tiroirs parce que  le public accorde actuellement plus de valeur aux  tocantes en général et à la marque en particulier.  
      Selon  Jean-Paul  Girardin,  vice-président  de  la  marque, le SAV est, avec la distribution, une de ses  deux  priorités  absolues.  Il  est  considéré  comme  un  problème  potentiel,  mais  pas  seulement  :  « Toute  faiblesse  d’un  produit  peut  être  utilisée  contre  la marque, mais  si  vous démontrez  votre  capacité  de  réaction,  la  rapidité  et  la  qualité  de  votre  intervention,  alors  le  SAV  devient  une  opportunité. »  
      Un accent est mis dans l’information du client, via  le site internet, pour le sensibiliser à l’entretien, aux  services et à leurs coûts. Un effort est fait au niveau  de la formation d’horlogers à l’échelle internationale, toujours dans la perspective de l’explosion des  besoins du SAV. Quant à l’anticipation à la source,  elle a pris  la  forme d’une hausse  sensible du niveau qualitatif de la production par le passage systématique des mouvements au contrôle offciel des  chronomètres (COSC). Et, pour mieux répondre à  la  demande  des marchés,  les  stocks  de  composants ont été quadruplés, tandis que le personnel  chargé de leur gestion a été doublé à Granges. « Et  surtout, précise Jean-Paul Girardin, on a le SAV en tête dès  la conception du produit, qui doit être plus  facile à réparer si besoin. Le plus simple est alors  le plus  efficace, mais  il  n’est pas  toujours  facile  de faire simple, quel que soit le domaine. Comme  disait Voltaire dans une lettre : excusez-moi, je n’ai  pas eu le temps de faire court ! » 
      Chez Roger Dubuis, dont  l’exposition de calibres  maison au SIHH a  impressionné  les plus blasés,  l’anticipation  des  problèmes  SAV  passe  par  les  contrôles qualité qui oscillent entre deux et quatre  semaines selon la complexité des modèles.  « Parallèlement, précise Carlos Diaz, nous faisons  l’impossible pour neutraliser, dès leur conception,  les quasi incontournables maladies d’enfance des  mouvements derniers-nés.»

Patek Philippe  place  aussi  clairement  le SAV  au  rang de ses départements prioritaires. « L’objectif  est que, dans tous les pays importants dotés d’un  centre de  rhabillage, on ait une équipe en place  qui puisse  réparer  tous  les calibres de  la collection courante, explique Philippe Stern. C’est ainsi  le cas à New York où 25 collaborateurs s’y consacrent. » Le président de Patek Philippe est convaincu que  la réputation d’une marque et sa pérennité passent par le SAV. 
      On touche là un point particulièrement  sensible d’un phénomène exaltant et  inquiétant à  la fois, la multiplication de marques dans le haut de  gamme  ou  plus  exactement  de  produits  souvent  compliqués portant de nouveaux noms et affchant  d’emblée des ambitions horlogères aussi élevées  que  des  prix  faramineux. Cette  foraison  spontanée manifeste une créativité réjouissante mais elle  n’offre évidemment aucune garantie pour l’avenir.  La  clientèle  est  sous  le  charme, mais  aura-t-elle  toujours quelqu’un au bout du fil quand la merveille  mécanique s’arrêtera  ? Pas sûr…
« Beaucoup  parmi  ces  nouveaux  venus  vont  souffrir,  pronostique  Philippe  Stern,  parce  qu’ils  ne  sont  pas  préparés  à  assumer  leurs  responsabilités.  Cela  ne  fait  aucun  doute.  Beaucoup  ne pourront pas  réparer dans dix ou quinze ans  les pièces mises sur le marché aujourd’hui. 
  On a  déjà connu cela avec un créateur dont personne  n’assume aujourd’hui la réparation des pièces. Le  verdict des ventes aux enchères est impitoyable.  Des pièces qui ont été vendues plus cher que des  Patek il y a quinze ans n’en valent plus le dixième  aujourd’hui. Quand elles trouvent preneurs ! En revanche, il y a des maisons qui naissent aujourd’hui avec peut-être une politique à plus long terme et  qui resteront. Ce n’est pas exclu. » Le  président  de  Patek  Philippe  s’interroge  aussi  sur les phénomènes de mode, considérant qu’il y a  beaucoup de produits mis sur le marché « qui sont  attractifs à  l’œil, avec des gadgets partout, mais  avec beaucoup d’inconnues du point de vue de  leur qualité  et de  leur  fiabilité.  Très  recherchées  aujourd’hui,  ces  pièces  ne  vont  sans  doute  pas  fonctionner très longtemps… »
Tous  les  collectionneurs  ne  sont  pas  dupes  et  savent que leurs coups de cœur ne sont pas très  raisonnables, leurs achats pas forcément de bons  placements et qu’il vaudra mieux laisser certaines  pièces dans  leur écrin… Mais  il y aura, c’est sûr,  de  cruelles  déconvenues  pour  des  clients  qui  se  sentiront foués. Et c’est l’ensemble du label suisse  qui pourrait en pâtir s’il s’avérait que la débandade  n’était pas isolée. 
      Interroger  les  nouveaux  acteurs  n’apporte  pas  forcément  de  réponse.  Ils  sont  tous  convaincus,  avec  de  légitimes  raisons,  de  proposer  des  produits d’exception.  Ils croient  tous à  leur bonne  étoile,  sentiment  confrmé  par  l’intérêt  de  la  clientèle  asiatique,  russe,  moyen-orientale,  voire  américaine. Admettant que rien ne permet d’assurer  qu’ils seront  toujours  là dans dix ans,  ils croisent  les doigts. « On  fait de  la corde raide », avoue un  horloger indépendant qui joue gros sur très peu de  pièces. Même s’il paraît plus aisé dans ce contexte  de  vendre  une  montre  à  100  000  francs  qu’à  1000  francs,  suspense  et  sueurs  froides  sont  au  rendez-vous et les exigences d’amateurs fortunés  et versatiles diffciles à anticiper, puis à satisfaire.  Et si, d’un côté comme de  l’autre,  les promesses  n’étaient pas tenues… 
Thierry Oulevay, qui  fut à  la  tête de Bovet Fleurier, a lancé la marque Jean Dunand en partenariat  avec Christophe Claret, dont  les ateliers du Locle  étaient cette année à l’origine de sept nouveautés  marquantes présentées par des marques réputées  aussi bien à Bâle qu’à Genève. Pouvant s’appuyer  sur une structure performante et un savoir-faire reconnu, Jean Dunand s’est immédiatement installé  dans  le  très haut de gamme  technique avec une  production  fort  limitée  sinon  confdentielle,  quelques dizaines de pièces par an. 
      La problématique du  SAV  est  différente  que  pour  une  production  en  séries.  « Oui et non,  nuance Thierry Oulevay,  compte tenu de la complexité des pièces, qu’elles  soient uniques ou produites à dix exemplaires, de  toute  façon elles sont d’une complexité  telle que  personne n’est autorisé à les ouvrir, où que ce soit.  Elles doivent toutes revenir à la manufacture… »

Une certitude. 
      Tout est donc pour le mieux dans  le meilleur des mondes… Pour autant que la manufacture, déjà très sollicitée et qui tourne à plein  régime, soit à même de les accueillir et de les traiter dans un délai acceptable  ! « C’est difficile, voire  inquiétant, de penser, en effet, qu’on développe  et qu’on  fabrique des calibres, mais qu’on n’est  pas  toujours  équipé  et  structuré  pour  accepter  des retours éventuels… » 
La réalité est qu’il ne s’agit pas d’une éventualité, mais d’une certitude : il y aura des retours, quels que soient la qualité et le nombre de pièces livrées, à plus forte raison quand celles-ci sont complexes. « C’est la raison pour laquelle Christophe Claret est en train de former vingt horlogers pour pouvoir s’occuper à l’avenir d’un parc de pièces susceptibles de revenir. En attendant, la priorité des priorités est de produire le maximum de montres zéro défaut. Pour qu’elles ne reviennent pas. » Serez-vous toujours là quand cette merveille de technique et de délicatesse aura besoin de soins particuliers, d’un lifting ou d’un triple pontage ? « La question est pertinente, mais il n’y a honnêtement pas de réponse… » La lucide retenue de Thierry Oulevay tranche avec les fanfaronnades enregistrées parfois dans la nursery.
Le syndrome de la F1.
      Le sujet est délicat et on le  ressent  très  fort en  faisant  la  tournée des stands,  au sens automobile du mot. C’est qu’elles se prennent volontiers pour des écuries de F1, les nouvelles venues dans le monde horloger, qui proposent  des  bêtes  de  courses,  aux moteurs  innovants  et  gonfés, aux matériaux venus des étoiles et au design galactique. Le problème, c’est que les F1 sont  programmées pour quelques dizaines de tours du  circuit, quelques heures de course. Malheureusement,  la comparaison pourrait bien ne pas s’arrêter  là... Et  le moteur des  tocantes F1 connaître  le  même sort que celui des bagnoles.
 « Une montre qui s’arrête, c’est un vrai problème,  surtout au prix auquel nous nous situons. S’il n’y  a plus personne pour réparer, c’est une catastrophe. » Pour Thierry Nataf, la question du SAV est  d’une actualité brûlante. Sa manière à lui de souligner dans un clin d’œil la nécessaire anticipation  est de donner aussi au sigle SAV  la signifcation  de   service avant-vente  .
« Une montre qui s’arrête, c’est un vrai problème,  surtout au prix auquel nous nous situons. S’il n’y  a plus personne pour réparer, c’est une catastrophe. » Pour Thierry Nataf, la question du SAV est  d’une actualité brûlante. Sa manière à lui de souligner dans un clin d’œil la nécessaire anticipation  est de donner aussi au sigle SAV  la signifcation  de   service avant-vente  . 
      « Moi j’ai inventé un nouveau  truc, annonce  le boss de Zenith :  la  réparation à vie. Quelle que soit  la pièce achetée chez  nous  aujourd’hui  ou  dans  le  passé,  nous  nous  engageons à  la  réparer. C’est  l’idée qu’une manufacture est éternelle. Et dans cette perspective,  je fais du stock pour le futur. » La manufacture  du  Locle  a  retenu  les  leçons  de  l’histoire, elle qui avait  failli perdre à  jamais dans  les années 1970 toute possibilité de fabriquer son  mouvement  de  légende  El  Primero,  par  la  décision de sa direction américaine de jeter l’outillage  à ses yeux  inutile et sans avenir. 
      Non seulement  désormais elle stocke des composants, mais elle  conserve  l’ensemble de  tous  les outils de  frappe,  dans  des  coffres  antifeu  séparés,  de manière  à  pouvoir  à  tout moment  refrapper  des  pièces.  La  règle connaît une exception pour des raisons éthiques, celle des séries limitées  : « Comme on le fait  dans  le domaine de  l’art, dans  ce  cas  je  casse  les moules liés aux éléments de décoration. Mais  avant de casser, on  fait du stock pour  les  réparations  futures. »  Zenith  occupe  au  Locle  quinze  horlogers  rhabilleurs, dont  treize pour  le SAV ordinaire  et  deux  qui  traitent  prioritairement  les  urgences.  Il  faut savoir que  les délais sont sources  de fâcheries et d’incompréhension de la part de la  clientèle. Mais c’est un autre sujet… 
La pérennité est l’atout majeur des grandes entreprises. « Une maison de tradition est une garantie  for ever ! » Est-ce à dire qu’il faudrait dissuader les  amateurs de porter leur choix en dehors du cercle  restreint des marques établies de longue date. Bien  sûr que non, car celles-ci n’ont pas le monopole de  la créativité ni de la qualité. Et n’ont-elles pas elles  aussi démarré un jour grâce à des clients séduits  qui ont misé sur elles  ? Thierry Nataf a collectionné  des montres avant d’être bombardé à la tête de la  grande maison du Locle. 
      « En achetant à un jeune  horloger de talent, comme à un artiste, il faut être  conscient du  risque de ne pas avoir de maintenance, mais ça n’empêche pas le coup de cœur.  Il y a des petites structures, qui  reposent sur de  vrais ateliers, avec des artisans honnêtes. Mais il  y a aussi beaucoup de gens pas sérieux parmi les  new comers, qui sont là uniquement pour réaliser  des coups.  Ils  font  faire une ou deux collections,  puis revendent leur affaire ou disparaissent… Pirouette, cacahouète ! » Qu’en  est-il  du  SAV  des  grandes maisons  dans  le cas particulier des pièces uniques  ? L’anticipation pratiquée pour les séries lors de la production  peut diffcilement entrer en ligne de compte. « Détrompez-vous, corrige Juan Carlos Torres, c’est  pratiquement la même chose. » Et le président de  Vacheron  Constantin  d’expliquer  que  les  pièces  uniques  sont développées  selon  les mêmes processus d’ingénierie que toutes les collections, avec  des plans, une nomenclature et des méthodes de  fabrication. Et tous ces documents sont conservés  pour le SAV de manière que, dans trente ans, un  horloger puisse reconstituer n’importe quelle partie  de la pièce. « Ce n’est jamais une pièce d’horlogerie bricolée sur le coin d’un établi ! »
Le souci de conserver un savoir-faire est aussi ancien que la maison… Juan Carlos Torres n’est pas mécontent de sa relecture de l’histoire. « Le premier acte constitutif de la marque est l’engagement par Jean-Marc Vacheron d’un apprenti. C’est fantastique. Notre histoire, c’est 250 ans de transmission de savoir et nous sommes en effet la seule marque à n’avoir jamais coupé la chaîne de transmission. Ça ne sert à rien de conserver des composants si l’on n’a pas le savoir-faire pour les utiliser. »
Vrais problèmes.
Michel Jordi est bien placé pour mesurer l’approche différente du SAV selon le type de production, lui qui a connu les grands volumes avec sa marque ethno des années 1990 et qui fait aujourd’hui un come-back remarqué dans le haut de gamme exclusif. « Cela tient essentiellement au choix des mouvements. A l’époque, les 90 % de mes montres étaient équipés d’un quartz ETA. C’était un jeu d’enfant avec un réseau mondial de concessionnaires parfaitement opérationnels pour assurer le service. Dans la haute horlogerie, les mouvements manufacturés posent de vrais problèmes à toutes les marques de niche qui sont là avec des quantièmes, des tourbillons ou des répétitions minutes. Je ne sais pas ce que font les autres, mais j’observe sur le terrain que même les horlogers très qualifiés refusent de toucher de telles pièces. Pour moi la réponse est simple : je viens d’engager un horloger, qui a organisé le SAV de plusieurs grandes marques sur le plan mondial. Sa mission : mettre sur pied pour nous le service le plus efficace et le plus rapide. Il y a des délais incompressibles, mais l’objectif est de ne pas dépasser quatre semaines. Pour cela, la pièce est déboîtée le jour même de son arrivée à l’atelier. »
 La structure qu’il a mise en place est  légère, une  plaque  tournante, en quelque  sorte, de  cinq personnes. C’est tout. C’est jouable, à condition d’être  sûr  de  ses  fournisseurs  et  de  ses  partenaires.  C’est là qu’on retrouve le choix des mouvements  : « Nous travaillons avec d’anciens calibres, qui ont  largement fait leurs preuves comme le Valjoux 23  créé en 1916 et dont  la  fabrication  s’est arrêtée  en 1974. Je dispose de deux lots, un pour la production et un deuxième que  je  réserve… pour  le  SAV ! »
La structure qu’il a mise en place est  légère, une  plaque  tournante, en quelque  sorte, de  cinq personnes. C’est tout. C’est jouable, à condition d’être  sûr  de  ses  fournisseurs  et  de  ses  partenaires.  C’est là qu’on retrouve le choix des mouvements  : « Nous travaillons avec d’anciens calibres, qui ont  largement fait leurs preuves comme le Valjoux 23  créé en 1916 et dont  la  fabrication  s’est arrêtée  en 1974. Je dispose de deux lots, un pour la production et un deuxième que  je  réserve… pour  le  SAV ! » 
      Avec Jaeger-LeCoultre, on change d’échelle et de  siècle. Dans la manufacture du Sentier, qui jongle  avec quarante calibres maison de 300 à 400 composants chacun, le SAV est logiquement intégré à  tous  les stades de développement des nouveaux  produits.  C’est  une  préoccupation    constante.  « Quand on observe un taux de retour trop important sur un calibre,  indique Jérôme Lambert, on  l’abandonne. C’est ce qui nous a conduits à développer le mouvement autotractor et à le dédier  aux montres sportives. Si une montre est effectivement portée pour faire du sport, il ne suffit pas de  lui donner un look sportif. A un gars qui a payé 15  000 euros sa montre de sport, vous ne pouvez pas  lui dire de ne pas la porter à la plage et de ne pas  faire de tennis, ni du golf ! »
      Pour éviter des retours prématurés chez l’horloger,  il  faudrait  parfois  préciser  que  certains  modèles  sportifs  sont  réservés  aux  sports…  suivis  à  la  télévision. 
      Jaeger-LeCoultre a poussé très loin son obsession  SAV. On  peut  en  effet  considérer    la  nouveauté  phare  de  cette  année  comme  une  réponse  à  un pur problème de SAV  : le modèle Master Compressor Extreme Lab a été conçu en effet pour  fonctionner sans huile… Les horlogers cherchaient depuis  longtemps  l’huile  idéale qui supprimerait  tant de problèmes… A chacun sa pierre philosophale… Fruit  de  recherches  très  poussées  sur  les matériaux,  la solution proposée par sa suppression ne manque pas d’élégance.  
Champagne pour tout le monde ? Si elle tient ses promesses, la formule sans corps gras fera tache d’huile, si on ose l’expression. Mais elle ne résoudra pas tous les problèmes, tant s’en faut. Une montre plus ou moins compliquée a mille autres raisons de s’arrêter qu’une huile séchée ou un pâté mal placé. Et pour l’ensemble du parc horloger aujourd’hui sur le marché mondial, le problème du SAV reste entier. Jérôme Lambert le reconnaît en soupirant : « Pour l’ensemble de l’horlogerie suisse, on n’arrive déjà pas à assurer la production, par manque de personnel… Je me demande vraiment comment et quand on va former les horlogers pour assurer le service après-vente. Et si le travail n’a pas été au top de la qualité en amont, il va falloir du monde pour récupérer tout ça… Le problème de la formation est encore plus aigu qu’on ne l’imagine. »
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