 
 
Décalage Horloger
      
Par Dave Grandjean
Rodin et la posture des horlogers
Les objets du quotidien nous accompagnent dans nos attitudes ; Une œillade au dessus de ses lunettes pour séduire, une remontée de manche afin de voir l’heure sur sa montre et montrer que l’on est pressé, sont des gestes et des conduites de la vie courante. La répétition de ces mouvements les fait entrer dans nos habitudes sans que l’on s’en rende compte. Qui n’a pas tapoté inutilement sur l’écran de son ordinateur juste après avoir utilisé sa tablette ? Parfois ces attitudes pratiques rencontrent l’esthétique de l’Art.
Le début du XXème siècle marque une évolution majeure dans le monde de la montre. L’Art Déco doublé d’une révolution pratique, permet à la montre de se porter au poignet tout en étant plus esthétique dans ses formes en suivant les évolutions de la mode. Ces changements ont eu des répercutions sur la mode vestimentaire ; à cette époque, on avait tendance à raccourcir les manches des habits afin de rendre la montre plus visible, car rappelons le, la montre comme son nom l’indique est depuis toujours un objet à porter en « monstrance » ! Des changements de gestuelle s’opèrent également. Plus besoin d’aller chercher sa montre accrochée à sa chaînette au fond de sa poche pour voir l’heure. Et avec cela on imagine le geste bourgeois qui accompagnait cette « remise à l’heure » ! Désormais un simple et gracieux levé de poignet suffit à se renseigner sur l’heure pour l’homme moderne dont l’activité ne permet plus de perdre de temps à chercher sa montre au fond de sa poche à gousset ! Ainsi d’un point de vue pratique, l’apparence de l’objet est modifiée et les gestes en sont simplifiés. Mais qu’en est-il de l’allure ?
Vers 1880, Auguste Rodin a presque une vision  avant-gardiste en réalisant l’une des ses sculptures de bronze les plus  célèbres : le Penseur. Cette  statue évoque la réflexion et la poésie. Elle représente un homme accroupi en  train de méditer. Dans son attitude pensive, l’homme a le menton posé sur le  dos de sa main et son poignet ressort exagérément. Si bien que s’il fallait un  mannequin pour les boutiques de montres, ce poète en serait le plus parfait  prototype !
        Peut-être consciente de cette position, une  marque horlogère de la Vallée de Joux a demandé à l’artiste londonien Quayola  de revisiter cette œuvre de Rodin dans une exposition qui fait le tour du monde.  Dans Matter, Quayola revisite le Penseur comme une métaphore de  l’éthos des horlogers. L’éthos regroupant le caractère habituel, la manière  d’être et les habitudes d’une personne, ne peut que renforcer l’idée selon  laquelle l’attitude du Penseur, reste  la posture favorite des horlogers.

        Dans  son œuvre Matter, l’artiste londonien  Quayola revisite le Penseur de Rodin  pour l’exposition Royal Oak  d’Audemars Piguet
      
De cette constatation, volontairement ou  involontairement, beaucoup de personnes en vue, qu’elles soient CEO de marques  horlogères ou célébrités sous contrat de ces mêmes marques, vont voir dans le Penseur de Rodin, l’attitude noble et  parfaite pour avoir l’air naturel face aux caméras tout en mettant en avant  leur montre. Pour avoir l’air plus offensif et plus sexy, certains vont même  transformer cette pose en geste de séduction à la manière de James Bond dont  les contrats avec certains horlogers sont bien connus. 
        Cette gestuelle, qu’elle soit avec ou sans  montre, va passer dans le domaine public par phénomène d’imitation. 
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