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Recentrer le spiral
      Le développement du  spiral est par nature nuisible à la chronométrie. Ce ressort enroulé sur  lui-même s’ouvre et se ferme en permanence. Ce faisant, son centre de gravité  ne cesse de bouger autour de son axe central. Par ce développement non  concentrique, il repousse le balancier contre les percements dans lesquels il  pivote. Cette friction est variable selon les positions, freine le balancier,  pompe de l’énergie. C’est une incontournable plaie qui attaque l’objectif  fondamental du balancier : son isochronisme. Et de fait, cette concentricité  a occupé la recherche horlogère pendant quelques siècles.
      Les courbes  terminales du spiral ont été inventées pout lui permettre de battre plus près  de son centre de gravité, mais la solution n’est pas encore idéale. Des  recherches récentes comme celles de DeBethune, qui a développé une courbe  terminale plate, contrairement aux courbes Guillaume qui grimpent au dessus du  spiral, représentent une solution étonnamment délaissée. Trois marques ont  imaginé de résoudre le problème par addition et soustraction. Audemars Piguet  (cal. 2908), H. Moser & Cie (cal. HMC 324.607 ou 343.506) et Laurent Ferrier  (cal. FBN 916.01) utilisent deux spiraux quasi identiques.
      Moser fait partie de  la même entité que Precision Engineering (chez qui se fournit Ferrier), qui  fabrique des spiraux et en vend des paires provenant du même lot. Ils sont  cuits et estrapadés ensemble. Ces jumeaux, aux propriétés comparables, sont  montés tête bêche sur un même balancier. Quand un spiral se dilate avec un  déport, l’autre le fait avec un déport similaire dans la direction opposée. Les  déhanchements de l’un sont compensés par ceux de l’autre. Résultat, le  balancier oscille autour de son axe.
      Moser revendique un écart de marche moyen  de 4 secondes meilleur que le COSC.


 Encadrer le spiral
Encadrer le spiral
        Le travail sur  l’échappement est un fondement de la chronométrie. Pour un surcroit de  précision, et de prestige, il a suivi un axe de progrès ou de retravail.
        Le progrès  prend principalement la forme de la double impulsion et de l’impulsion directe,  parfois une combinaison des deux.
        Dans l’échappement Audemars Piguet,  l’impulsion est donnée directement par un plateau à deux palettes en rubis, pas  par l’ancre. La première fait avancer une ancre levier, l’autre fait avancer la  roue d’échappement. Au retour de balancier, l’ancre est ramenée à sa position  initiale et la roue d’échappement finit son parcours contre elle.
        Chez Ulysse Nardin,  la transmission de l’information depuis le balancier au rouage passe  directement par l’axe du balancier. Cette impulsion est transmise à deux roues  d’échappement distinctes, chacune avec un profil de denture unique. Dans les  deux cas, il y a moins de points d’impact dans la chaine de transmission  information/énergie qu’avec l’ancre suisse, et des ébats bien moins grands, ce  qui limite la force des impacts, importante perte d’énergie et source de  vibrations.
        Par leur principe, ces échappement ressemblent au coaxial inventé  par Georges Daniels et acquis par Omega. Mais leur sophistication provient de  la limitation des ébats. D’autre part, le retravail consiste à améliorer  l’échappement le plus précis de tous, la détente pivotée.
        La plupart des chronomètres  de marine, instruments dont des hommes ont dépendu pour leur survie en mer,  étaient régulés par des échappements à détente. Simples, fiables, ils n’avaient  que deux défauts. Ils étaient peu miniaturisables et sautaient en cas de choc.  Pas un problème quand le garde temps est posé sur une table et monté sur des  cardans. Bien plus ennuyeux au poignet, où la protection contre les chocs ne  peut être que limitée.
        Le duo Jean-François Mojon-Kari Voutilainen a installé  un tel échappement dans le chronomètre UJS 8 d’Urban Jürgensen & Sonner. A  ceci près que le balancier est muni d’un plateau de limitation. Il limite les  ébats de la détente et l’oblige à coller à la roue d’échappement. La marque  annonce que sa marche moyenne est de 40% meilleure à celle d’un échantillon de  300 montres certifiées chronomètre au COSC. Elle a également eu recours aux  tests Chronofiable pour éprouver la solidité de sa détente.

        échappement à détente Jurgensen
      
 Nourrir le spiral
Nourrir le spiral
        A l’époque où les  spiraux étaient rudimentaires, magnétisables et sensibles à absolument toutes  les influences, certains horlogers avaient imaginé de lui fournir une énergie  constante pour que ses oscillations soient le plus possible identiques. Pour ce  faire, trois solutions existent.
        La première est de lisser l’énergie transmise  dans le train de rouage à la source, typiquement avec une fusée qui, comme une  cassette de vélo, égalise le couple du ressort moteur. La solution est très 18e  siècle et utilisée chez Breguet (cal. 569), A. Lange & Söhne (cal L044.1 ou  L072.1) ou Cabestan (cal. EC101).
        Le second consiste à interposer un rouage  intermédiaire juste avant l'échappement, un tampon énergétique qui dispose  toujours de la même force transmise au plus près au balancier. C’est le  remontoir d’égalité qu’utilisent F.P. Journe (cal. 1403) ou DeWitt (cal.  DW8050).
        L’échappement à force constante est autrement plus sophistiqué puisqu’il  garantit que c’est dans l’échappement que la régulation de l’énergie est effectuée.  Le dernier horloger à avoir opté pour cette solution est Karsten Frässdorf et  sa nouvelle marque, Heritage Watch Manufactory. Son échappement à force  constante est à deux étages. Celui du haut connecte avec le balancier. Il est  relié à celui du bas par un second spiral, qui fait que la roue d’échappement  du haut donne toujours la même énergie à la même fréquence à celui du bas, qui  engrène avec le rouage. IWC, toujours avec l’aide de Jean-François Mojon, a présenté  avec sa Portuguese Sidérale Scafusia un tourbillon à force constante. Les  effets bénéfiques d’une énergie de qualité toujours identique sur l’échappement  y sont accrus de celui du tourbillon.
      
 Qualités secondaires
    Le sujet de la recherche  sur les matériaux a déjà été abordé  de même que la question de  l’augmentation des fréquences. Le travail sur les profils de denture joue  également, avec une complexité technique très spéciale. D’autre part, l’hybridation  mécanique/magnétique n’a  à ce jour  trouvé d’application que dans le système Spring Drive de Seiko. Au demeurant  fort intelligent, il a le double défaut rédhibitoire de ni être ni totalement  mécanique, ni suisse. Malgré tous les efforts provenant de marques rares,  précieuses et couteuses, l’importance de la précision reste secondaire. Mais  ceux qui pensent qu’elle est la vertu cardinale d’une montre peuvent se  réjouir : cela fait un bon siècle qu’il n’y a pas eu un tel foisonnement  de propositions.      
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