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Horlogerie chinoise
«Nous multiplierons les séries limitées»


Par Jean-Luc Adam

Les marques suisses sont fascinées par la Chine. L’ampleur de son marché et son dynamisme les font rêver. Mais nombreuses aussi sont celles qui craignent la concurrence de ses produits. En parcourant la halle 6 de Baselworld ces dernières années, les visiteurs avertis ont observé la floraison des tourbillons et des petites complications équipant des montres d’origine chinoise de très bonne facture.
En dehors des produits de masse, les horlogers suisses ont-ils à craindre l’émergence de cette nouvelle concurrence? Une partie de la réponse réside certainement dans les intentions et les ambitions des Chinois eux-mêmes.

bruce DuDans une interview exclusive accordée à Watch Around, Bruce Du, le directeur-général de la marque chinoise la plus en vue, FIYTA, affiche très clairement ses ambitions.
D’ici 2015, la Chine entend monter en gamme et se hisser, au terme du 11e plan quiquennal, parmi les plus grands horlogers mondiaux. Jamais entendu parler de FIYTA (prononcez fi-ya-ta)? En Chine, c’est elle qui annonce depuis vingt ans le «temps officiel» des émissions en prime-time sur la chaîne d’Etat CCTV.
En 1995, elle a été élue «King of watch in China». Surtout, FIYTA assure le chronométrage officiel du programme spatial chinois, et depuis le retour triomphal de la capsule Shenzhou VII en 2008 et la première sortie dans l’espace du taïkonaute Zhai Zhigang, chronographe Spacemaster au poignet, la cote de popularité de FIYTA vole très haut. Cette reconnaissance repose sur un vrai savoir-faire micromécanique, car l’horloger développe, seul ou avec d’autres, aussi bien des mouvements à quartz que des calibres automatiques et à tourbillon pour le haut de gamme. Enfin, elle a les reins très solides puisqu’elle fait partie de l’empire China National Aero- Technology Import & Export Corporation (CATIC).
Le directeur général de FIYTA, Bruce Du, nous reçoit au siège de Shenzhen (province du Guangdong), à une encablure de Hong Kong.

Votre marque est jeune et quasi inconnue en Europe…
Elle a été fondée en 1987, mais son background remonte à une quarantaine d’années. Son fondateur, Men Tengshan, était lui-même spécialiste et passionné de montres. A l’époque du lancement, il y avait encore très peu de marques internationales sur le marché chinois et ça été notre chance.

Où avez-vous puisé la technologie et la compétence horlogère?
L’horlogerie chinoise contemporaine a plus de 50 ans d’expérience et possède la capacité de produire des mouvements complexes. FIYTA s’est entouré des meilleurs horlogers et assure une formation complémentaire à ses nouveaux employés. Nous coopérons également avec des manufacturiers de mouvements, qui nous donnent accès à la technologie des calibres haut de gamme.

tourbillon chinois haut de gammePar rapport à une marque suisse, à quel niveau situez-vous FIYTA?
Dans le moyen de gamme, au niveau de Tissot. Nous proposons quelques montres à tourbillon avant tout pour satisfaire une clientèle locale, friande de luxe. Toutefois, nous ne mettons pas l’accent sur nos mouvementsts finalement très classiques, mais sur la culture et l’histoire chinoises au travers d’un design spécifique.

Une culture exportable en occident?
Nous visons prioritairement le marché asiatique, avec la Chine, Hong Kong, Singapour, la Malaisie, le Vietnam, etc… Les marchés occidentaux font partie de notre stratégie future, d’où notre présence à Baselworld, mais l’Asie représente déjà un énorme défi pour la marque.

Le style FIYTA, assez décalé, paraît éloigné des standards asiatiques. Les goûts évoluent-ils ou votre clientèle est-elle différente?
La clientèle chinoise est sensiblement plus jeune qu’en Europe et les hommes et femmes qui portent une montre FIYTA sont encore plus jeunes – entre 22 et 40 ans – assez riches et sensibles à la mode.

N’est-ce pas aussi le cas de vos concurrents nationaux comme Ebor et Sea-Gull, voire même Rossini, Beijing, Hangzhou, Shanghai ou Guangdong?
(rires) Les premiers adoptent un style conservateur, fort éloigné du nôtre, alors que les derniers jouent dans un registre inférieur et sont principalement producteurs et fournisseurs de mouvements. Rien à voir avec FIYTA, qui est une véritable marque horlogère, créant ses propres designs, ses mouvements et disposant de sa propre chaîne de magasins…

Le label Swiss made fait rêver les horlogers étrangers. Est-il vrai que FIYTA vient de racheter une marque genevoise?
Exact, notre holding vient d’acquérir le capital de Montres Chouriet SA, une marque axée sur le marché chinois.

Les montres FIYTA vont donc en profiter?
A ce jour, nous ne savons pas si nous allons bénéficier de ressources ou d’appuis techniques provenant de Suisse. Quoi qu’il en soit, FIYTA repose sur la culture chinoise et en misant sur la qualité et le style, nous sommes convaincus de poursuivre notre «success story». Dans une industrie aussi spécialisée que l’horlogerie, nous ne pouvons pas simplement offrir un meilleur rapport qualité-prix pour conquérir le marché, comme la Chine le fait dans d’autres secteurs. L’approche est plus complexe. Nous avons profité de la longue expérience suisse et de sa tradition, mais nous avons également beaucoup puisé dans la culture horlogère chinoise. Cette rencontre, je crois, est la clé de notre succès auprès de la clientèle.

Votre collection compte beaucoup de séries limitées…
C’est une spécialité suisse. Parmi les horlogers chinois, nous jouons là un rôle de pionnier. A l’avenir, nous multiplierons les séries limitées, qu’il s’agisse d’événements actuels ou historiques de Chine. C’est presque un puits sans fin.

La manufacture de montres FIYTA est-elle rentable ou sert-elle de carte de visite aux nombreuses activités du géant CATIC?
Nos montres ont propulsé la holding en bourse de Hong Kong et Shenzhen dès 1993. Avec l’arrivée des marques internationales en Chine en 1996, FIYTA a dû redoubler d’efforts mais en a aussi profité grâce à notre chaîne de magasins représentant désormais 70 marques suisses. Depuis cinq ans, les montres FIYTA ont progressé de 20% par an et nous allons atteindre 300 000 pièces annuelles. En cumulant nos deux activités, montres et magasins multimarques, nous avons enregistré en 2009 une progression de 40%!

tourbillon

Finalement, plus vous vendez de montres suisses, plus FIYTA gagne de l’argent?
Absolument! Et pour la culture de FIYTA, c’est aussi une chance de représenter les montres suisses. Cela nous a permis de trouver notre propre style.

Vos montres dame sont des modèles homme en réduction. Les Chinoises sont-elles friandes de chronographes et autres complications, comme c’est la tendance en Europe?
Au travers de nos 40 magasins disséminés dans toutes les grandes métropoles chinoises, nous sentons également arriver cette mode. Toutefois, le marché chinois a un temps de retard sur l’européen. Alors, nous nous y préparons!

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