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Le billet horloger
Minute, précisions!

Par Joël A. Grandjean /TàG Press +41


 

Vous le valez bien: «Désormais vous serez co-traitants»

Ce message s’adresse aux sous-traitants. Pardon, au co-traitants! Car à partir de la lecture de ces lignes, je suggère que le mot sous-traitance soit à jamais banni du vocabulaire horloger. Et j’en appelle aux internautes pour répandre cette bonne nouvelle…

L’idée n’est pas de moi, elle est de Kalust Zorik, co-fondateur des Journées Internationales du Marketing Horloger (JIMH). Au cours d’un de ces exposés dont il a le secret, il a eu ce trait de génie qui risque fort, avec votre appui de lecteur et de forumers de faire tâche d’huile. Et de changer les choses. Quelle révolution!

Les mots chargés de sens
Sous-traitance. Dans ce groupe nominal qui désigne depuis plus d’un siècle les acteurs de l’horlogerie qui ne sont pas des marques mais des entreprises travaillant pour des marques, il y a ce ‘sous’ qui ne dérange plus. Car il est des lourdeurs auxquelles nous ne faisons même plus attention, des expressions tant usitées que le négativisme qui les habite ne nous saute plus aux yeux. J’adopte donc l’idée du gourou du marketing qu’est Kalust Zorik et je m’adresse à vous, cher secteur, chers lecteurs qui travaillez dans l’horlogerie. Chaque fois que ce mot viendra à votre bouche ou au bout de vos stylos, remplacez-le par ‘co-traitance’. C’est simple, c’est pas contraignant, ça ne mange pas de pain…

co-traitantMais ça change tout. Dire que depuis plus d’un siècle, une dimension d’infériorité pollue de manière résiduelle la désignation de vos nobles activités. En effet, pour autant que vous ne les exerciez pas au sein d’une marque, vos métiers pourtant si utiles aux enseignes du devant de la scène, si utiles aussi à ceux d’entre vous qui vous déchargez parfois sans même que vos clients le sachent vers d’autres sous-traitants, comportent dans leur terminologie même, une notion d’inféodalité.

Bref, ce ‘sous’ intégré dans le mot sous-traitant ne semble jamais vous avoir dérangé. Normal, votre métier, ce ne sont ni les mots ni leurs errances. Normal, nous sommes ici des gens modestes, des gens qui sourient lorsque nos voisins hexagonaux font bruyamment le ménage dans la langue française, remplaçant l’aveugle, le borgne et le balayeur par respectivement le non-voyant, le mal-voyant ou le technicien de surface. Là où ils ont tout de même raison, c’est que les mots ne sont pas innocents. Leur étymologie, si nous avions à chaque fois la possibilité de la connaître, nous ouvrirait de nouvelles compréhensions, de nouveaux reliefs.

Autre exemple. Il m’arrive souvent de réprimander gentiment une mère de famille qui, parce qu’elle n’a pas d’employeur, répond ‘sans emploi’ à propos de sa vie professionnelle. Parce qu’élever des enfants, c’est pas un job? Remplacez-la une demi-journée et revenez me voir... Pour moi, elle est une ‘gestionnaire de foyer’, non pas parce que ça fait plus pompeux. C’est plus juste, c’est moins dévalorisant et surtout, c’est la réalité.

Prise de conscience
Votre réalité mérite aussi cette prise de conscience. Vous qui avez servi de tampon lorsque les voilures se réduisaient durant la dernière crise – comme durant toutes les autres d’ailleurs –, vous qui avez fait le dos rond lorsque les marques annulaient leurs commandes ou tentaient pour la énième fois de vous tordre sur les prix de vos prestations – logique financière oblige –, vous méritez largement cette nouvelle appellation. Elle vous revient, elle vous va bien.

Désormais, vous serez des co-traitants! D’ailleurs, pour les consommateurs finaux les plus mordus et les plus attentifs, votre position et votre rôle face au garde-temps qu’ils portent, inspirent bien plus de respect que vous ne vous en accordez vous-même. C’est certainement également pour cette raison que les organisateurs du salon EPHJ-EPMT-SMT préférèrent, lorsqu’ils inventèrent le nom de leur événement, le ‘EP’ de ‘Environnement Professionnel’.

Appel à l’acte
Aurez-vous le courage de changer cette horreur de langage? Il n’en tient qu’à vous. Rassurez-vous, le fait que, par une simple pirouette de langage, vous soyez soudain devenus un co-traitant n’enlèvera rien à votre culture de la discrétion ni à votre sacro-saint sens du service. Et je ne vois pas en quoi cela pourrait gêner vos clients, les marques, puisque vous ne leur ôtez aucune parcelle de la gloire qui leur revient et qui vous fait vivre. Vous ajoutez juste une dimension de partenaire. La célèbre formule «le client est roi» est dépassée. Car vous savez que le roi, même le plus tyrannique, a aussi besoin de gens sur qui compter.

Alors, ça le fait? Désormais, vous êtes co-traitants, parce que vous le valez bien.

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